Sô-Tchanhoué : témoignages de médecins béninois

Une correspondance régulière s’est établie avec Le Docteur Louise TCHEGNINOUGBO-BARNOR depuis son séjour en France en Octobre 2012, ce qui nous réjouit et nous rend plus proches du travail fait au centre. Quelques extraits de cette correspondance joints au rapport de soins et d’activités du 4ème trimestre 2012...

Dr Louise (photo JPL)

« Tout le monde tousse et crache, racle la gorge, se gratte les yeux ; oui,  l’organisme humain récrimine contre la nature qui a changé brutalement. La crue a disparu comme si elle n’avait jamais existé (ndlr : référence aux inondations de sept/oct 2012). La brume, la poussière envahissent tout : l’harmattan fait sa loi et le phénomène climatique cyclique fait son chemin. Bref, voilà le type de climat que nous traversons actuellement et comme les chiffres en témoignent, les affections oculaires, pulmonaires, bronchiques se font remarquer. Ainsi va la vie ».

Un autre extrait d’un courrier envoyé par Théophile TCHEGNINOUGBO (ndlr : Directeur administratif du centre) dans les mêmes temps nous permet de prendre la mesure de la difficulté que rencontre l’équipe soignante face à quelques situations de pauvreté de certains lacustres. Il nous semble important de vous les relayer...

« Je  veux vous relater le cas d’une dame de 28 ans, femme d’un patient dépisté séropositif SIDA en 2011 au centre médical. Le mari était éligible au traitement ARV (antirétroviral). Il était sérieusement rongé par le mal et avait perdu plus de 20% de son poids et tenait à peine sur ses deux pieds. Le traitement a été institué par l’équipe de prise en charge. Il commençait à mieux se porter et avait même renoué avec ses activités de pêche. Car,  à son arrivée au centre médical en février 2011, il n’avait plus de moyens, ayant passé beaucoup de temps dans les cabinets privés sans succès. Le personnel du centre s’était même trouvé dans l’obligation de se cotiser pour donner au malade, son épouse et à leur seul enfant la possibilité de pouvoir continuer de s’alimenter. Nous avons profité de l’occasion pour faire le test à son épouse qui a été aussi trouvée séropositive. C’est au cours des campagnes de sensibilisations organisées par le centre médical qu’ils ont été dépistés. L’état de la femme, couplé avec les résultats de ses examens biologiques, autorisait aussi sa mise sous ARV. Ce qui fut fait. 

Dès lors, le couple commençait à se retrouver et à rentrer dans la jouissance de ses facultés physiques et psychologiques. En septembre 2011, une grossesse s’annonçait. L’équipe de suivi a alors mis en route le protocole de la PTME (prévention de la transmission mère-enfant) du VIH. L’accouchement a eu lieu le 5 juin 2012. Les tests de dosages sont revenus négatifs, l’enfant bien entendu ayant été mis sous protocole de traitement pendant 6 semaines dès la naissance. Le suivi continue. La mère prend régulièrement son traitement. Son enfant va bientôt être sevré. Mais, du côté du père, nous avons assisté à une sorte d’inconscience. Il rentre dans une secte et prétexte que c’est Dieu qui sauve et non les médicaments. Malgré les nombreuses relances, les visites des médiateurs, il est resté inflexible à nos conseils, injonctions et même supplications. Nous avons cherché à rencontrer le pasteur de sa religion mais jamais il ne nous l’a indiqué. Il ne venait plus chercher son traitement au centre médical, ni même aux contrôles biologiques. Résultat, il sombre à nouveau, à bout de force et se retrouve encore au centre. Malgré tous nos efforts, il rendit l’âme le 4 octobre 2012 ».

Autre cas relaté par Théophile TCHEGNINOUGBO...

« Ce 5 janvier 2013, les parents de Marius (3 ans) l’amènent au centre dans un état d’anémie sévère décompensée, preuve qu’ils ont trop traîné avant de recourir au centre médical ; c’est toujours la promenade dans des cabinets illicites et souvent sans qualifications. Résultat, avant même que le médecin ne mette en route, de toute urgence, l’oxygénothérapie avant la transfusion sanguine, l’enfant succomba ».

Ces quelques exemples montrent combien le personnel soignant est affecté par ces situations. Nous savons qu’il s’implique auprès de certains malades de façon désintéressée et que ces cas existent mais heureusement  il n’y a pas que des issues aussi tragiques... Pour beaucoup de consultants, c’est vers l’amélioration de leur état de santé, voire la guérison totale, que les soins prodigués au centre aboutissent.